M Orenstein témoigne devant les élèves

« Je n’ai pas le droit de me taire parce que les cris des morts sont en moi et que mon devoir est de dire ce que je sais, ce que j’ai vu... »

Benjamin Orenstein est né en Pologne un 4 août 1926 dans un petit village à 70 kilomètres de Lublin.

En 1939, alors que les nazis envahissent le pays, il est le dernier enfant, le plus jeune, d’une famille juive polonaise où on parle le yiddish. En 1945, à la libération des camps, il est le seul survivant et le seul témoin des souffrances des sept membres de la famille Orenstein.

Il raconte peu la Pologne de son enfance, comme si sa vie n’avait désormais commencé qu’avec les persécutions, les ghettos, les camps d’extermination.

Il raconte la faim, le travail forcé, les coups des SS, l’indifférence aussi qui entoure le sort des juifs. Il dit aussi les faux espoirs : jusqu’en 1941, malgré la vie difficile, on pouvait espérer que le village serait épargné. Mais le sort des Juifs de Pologne était déjà inscrit dans ces lieux aux noms effrayants : Belzec, Chelmo, Sobibor, Maïdanek, Treblinka, Auschwitz...

En 1941, il faut quitter le village et à l’automne 1942, c’est l’arrestation . Les trois frères sont aptes au travail et envoyés dans différents camps. Les parents et la soeur de Benjamin Orenstein partent pour Belzec, préoccupés par le sort du jeune Benjamin et sans doute à peine conscients de ce qui les attendait là-bas dans le camp sans retour. Ils ne reviendront pas.

Et Monsieur Orenstein s’écarte de sa propre expérience. Le souvenir des brutalités des SS ukrainiens le ramène insensiblement vers le sort qu’ont connu tous les juifs persécutés et destinés à la disparition.

N’est-ce pas pour eux d’ailleurs qu’il parle aujourd’hui ? N’est-ce pas le souvenir de ceux qui n’ont pas pu raconté qui guide aujourd’hui son action ? N’est-ce pas cette tragédie qu’il se doit avant tout de retransmettre ?

Car il estime que sa vie n’a tenu qu’à un ensemble de chances qu’il essaie de s’expliquer et de nous expliquer quand il est lui-même persuadé que rien n’est explicable dans cette folie.

Le destin est cruel parfois : le 4 août 1944, jour anniversaire de ses 18 ans, Benjamin Orenstein pénètre à Auschwitz. Il est retenu dans le camp des tsiganes là-bas au fond de Birkenau. Les tsiganes viennent tout juste d’être exterminés.

Difficile de parler d’Auschwitz . Les souvenirs, ce sont des cris et des aboiements, ceux des chiens et des gardes. Ce sont des odeurs et la fumée des crématoires qui ne se levait jamais. Ce sont les oiseaux qu’on ne voyait pas et qui avaient déserté les lieux, toute vie semblant condamnée à disparaître d’Auschwitz-Birkenau. Ce sont les silences, tout ce que Monsieur Orenstein ne dit pas, ne peut pas dire. On ne peut pas raconter Auschwitz, seulement évoquer.


En janvier 1945, les armées soviétiques approchent du camp et les déportés encore valides sont évacués. La « marche de la mort » le conduit à Dora, kommando de Buchenwald, où Benjamin Orenstein est finalement libéré le 11 avril 1945.

PS : J’ai rencontré Monsieur Orenstein à l’occasion du Voyage de la Mémoire à Auschwitz puisqu’il était l’un des cinq témoins qui nous accompagnaient. Puis, nous nous sommes revus. C’était inévitable : lyonnais depuis 1951, engagé dans une démarche de sauvegarde de la Mémoire, il est très présent à Lyon en particulier dans l’action de l’Amicale lyonnaise d’Auschwitz-Birkenau et des camps de Haute Silésie.

Evelyne Marsura